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Les icônes byzantines et orthodoxes dans l’art sacré

L’espace culturel Martin Vivès de Prades accueille jusqu'au 28 Mai prochain une exposition consacrée au travail d’Hania PINKOWICZ, artiste d'origine ukrainienne. Ses œuvres reflètent son savoir-faire dans l’art des icônes religieuses chrétiennes orthodoxes, qu’elle transmet en donnant des cours en région Île-de-France et à travers des stages formateurs.

Affiche de l'exposition "Les icônes d’Hania Pinkowicz. Iconographe d’origine ukrainienne" ©Service Patrimoine Culturel Mairie de Prades



Cette culture artistique tournée vers l’art sacré est peu présente dans les décors peints des églises du Conflent. On peut la retrouver à Clara-Villerach, dans la chapelle-ermitage Saint-Etienne de Pomers (Sant Esteve de Pomers).

Avant de nous plonger dans la description des peintures murales qui illuminent la chapelle, faisons un bond dans le passé pour en connaître davantage sur ce site chargé d’histoire.

Vue d'ensemble de la chapelle et de l'éperon rocheux (vestiges de tour fortifiée) ©Inventaire du patrimoine de la commune de Clara-Villerach, 2021, Léonie DESHAYES


L’édifice a été construit non loin du « castrum » de Pomers, un château reconnu au 9e siècle comme étant le siège du comté de Conflent. Il est mentionné en 865, au côté de la chapelle « Sancti Stephani » (Saint-Etienne), dans un document relatif à un litige sur la propriété du « Vilar de Mata », situé dans les limites de la villa de Prada. Considéré comme étant le plus ancien document écrit conservé aux Archives Départementales des Pyrénées-Orientales, le plaid évoqué est présidé par le comte Salomon, issu de la lignée des comtes de Cerdagne. Il confronte le comte à l’abbaye de La Grasse, dont la propriété de Prada avait été donnée par le comte Suniefred d’Urgel et son épouse Ermessinde. Lors de cet évènement, les témoins prêtent alors serment dans l’église Saint-Etienne, dont la localisation est précisée sur le territoire de Vilarac. Plusieurs hypothèses historiques ont été formulées au sujet de l’édification de cet ensemble castral. Il pourrait s’agir d’une construction établie par les chrétiens, alors réfugiés dans le massif du Canigou lors de l’occupation musulmane, ou par les arabes eux-mêmes. Cette dernière attribution se retrouve dans la toponymie locale, à travers le Roc del Moro ou Puig dels Moros, situé à l’Est de Saint-Etienne de Pomers. De plus, le nom Roca qui désigne le château construit sur un rocher, a été remplacé par le toponyme El Puig dels Moros, à la suite de l’abandon de la forteresse (13e siècle ?).

A partir du 11e siècle, le « castrum » de Pomers perd son rôle de siège administratif du Conflent, désormais situé au château de Joch. Cette période correspond au rattachement du Conflent à la Cerdagne, devenu une vicomté à part entière. Il est mentionné en 1095, dans le testament du comte de Cerdagne, Guillem Ramon, qui lègue à son fils aîné nommé Guillem Jorda, les comtés de Conflent et de Cerdagne ainsi que leurs châteaux ; Rodès, Eus (castrum de Ylice), Puig Cerdà, Castell So, Paracolls, Sant Marti dels Castells, Queralt, Miralles, Ax, ou encore Llo, ainsi que le « castrum » de Sancti Stephani. C’est également au cours de ce siècle qu’un certain Arnald Guillem, fils de Bellescende, va prêter un serment féodal au comte Guillem, fils d’Adala, pour le « castrum », avec la mention latine « castros aut castellos, rochas aut puios ».

Le château de Pomers fut pendant un temps inféodé aux vicomtes de Fenollet, comme l’indique le testament du vicomte Arnald III, établi en 1175. Celui-ci mentionne le lègue de son château de Fenollet ainsi que le « castrum Sancti Stephani de Belerec ». Ce lien étroit ainsi établi avec les comtes de Cerdagne, peut s’expliquer par les mariages de femmes aux vicomtes du Conflent.


Au milieu du 12e siècle, le « castrum » de Pomers est toujours existant, mais son rôle de pouvoir central est éclipsé par le château de Joch, qui jouit alors de sa pleine puissance. L’absence de mention du « castrum » après le 12e siècle induit un possible abandon du site, et un renouvellement du pouvoir religieux désormais centré à Villerach. En effet, la chapelle Saint-Etienne de Pomers n’est plus la principale paroisse de Villerach, dont il est fait mention dès le 14e siècle d’une nouvelle église. La chapelle est par ailleurs transformée en ermitage, tel que l’indique le testament du curé de Saint-Etienne d’Illa daté de 1373. Ce dernier évoque le lègue du lieu « als hermitans de la Roca de Pomers », chargés de prier « le Seigneur Dieu pour son âme et celle de ses bienfaiteurs ».

L’existence de l’ermitage est signalée en 1403 sous la dénomination « hermita de Sant Esteve de Pomés » puis en 1688 et 1750 (« Sant Esteve de Pomers »). L’ermite, installé dans la chapelle au 18e siècle, parcourait les villages avec une capelleta (petite chapelle portative), qui abritait la statue de saint Etienne. A cette époque, plusieurs processions sont organisées, dont une qui partait de l’église Saint-Sylvestre jusqu’à l’ermitage de Saint-Etienne tous les lundis de Pâques, afin d’y célébrer l’office et les vêpres.

Vue Sud de l'ermitage Saint-Etienne de Pomers, 2020 ©S. DESHAYES


Plusieurs remaniements ont été réalisés par les ermites qui se sont succédés, notamment au 15e siècle avec la reconstruction de la façade Ouest et au 20e siècle, où des peintures iconiques ont été réalisées à l’intérieur de la chapelle. Celles-ci sont l’œuvre de l’ermite actuel, prêtre chrétien orthodoxe (Pope), installé à Saint-Etienne depuis 1970. A son arrivée, la chapelle est en mauvais état ; une grande partie de la toiture s’est effondrée et les murs sont délabrés. De ce fait, le Pope se chargea de restaurer l’édifice et d’orner la chapelle de peintures murales.



Description des images peintes :


Les peintures murales polychromes situées dans la chapelle ont été réalisées sur un support sec. Leur iconographie ainsi que la disposition des représentations figurées, sont directement influencées du style byzantin. Au sein de l’abside se trouve la Mère de Dieu, nimbée et positionnée dans la voûte céleste. Elle est entourée d’une frise comprenant des évêques placés dans des médaillons stylisés. Des hiérarques sont positionnés en contrebas de la Mère de Dieu et tiennent un rouleau ouvert, dont l’inscription se réfère à un passage de la divine Liturgie. La procession liturgique est complétée par les figurations des diacres Saint-Etienne et Saint-Laurent.

Une iconostase (cloison ornée d'icônes) en cayrous également recouverte de peintures, permet de séparer la nef du sanctuaire. Elle est constituée d’un portique central en plein cintre, flanquée de deux niches en trompe l’œil. Celles-ci abritent les représentations de la Toute-Sainte et du Christ. Les écoinçons des niches sont quant à eux formés de chérubins et de séraphins. Deux médaillons sont positionnés dans le registre inférieur de l’iconostase et illustrés par les épisodes du martyr Ménas sur son lion ainsi que de Saint-Martin, partageant son manteau avec le pauvre. La nef comprend deux parties peintes, riches en représentations bibliques. La première concerne la niche Nord, où figurent des femmes myrophores devant le tombeau du Christ. Deux médaillons de saints sont visibles dans la niche placée en face de la précédente. La seconde partie relative aux trois autres niches, est peinte d’icônes illustrant la Mère de Dieu Source de Vie, la fuite d’Élisabeth et la lapidation de saint Etienne. Deux rangées de saints moines et moniales placés dans des médaillons, surmontent les niches et sont elles-mêmes couronnées de la représentation de l’Entrée de la Toute-Sainte au Temple. Le registre supérieur se compose de la Sainte Face et de la figuration de prophètes et de justes. La porte principale, entourée de saints, comprend l’inscription en lettres onciales « Cette chapelle de l'illustre archidiacre et protomartyr Etienne fut construite au temps wisigoth et consacrée en l'an 975 après Jésus Christ ». Dans le mur Ouest de la nef, la Sainte-Trinité orne le registre supérieur. De plus, le porche communicant avec le narthex figure le Christ dans le paradis. Enfin, le narthex peint à la chaux, regroupe des icones dorées plus récentes, peintes à la tempéra à l’œuf (technique issue de la tradition byzantine).

Nef et iconostase décorées de peintures iconiques orthodoxes ©Inventaire du patrimoine de la commune de Clara-Villerach, 2021, Léonie DESHAYES (reproduction soumise à autorisation du titulaire des droits d'exploitation)

Décors de la voûte et des bas-côtés de la nef. Le registre supérieur du mur Ouest est orné de la Sainte-Trinité ©Inventaire du patrimoine de la commune de Clara-Villerach, 2021, Léonie DESHAYES (reproduction soumise à autorisation du titulaire des droits d'exploitation)

Inscription en lettres onciales de la porte principale ©Inventaire du patrimoine de la commune de Clara-Villerach, 2021, Léonie DESHAYES (reproduction soumise à autorisation du titulaire des droits d'exploitation)


Pour plus d’informations sur l'artiste Hania PINKOWICZ : http://consulat-ukraine-lyon.over-blog.com/article-20424743.html


Infos utiles sur l'exposition de Prades :

"Les icônes d’Hania Pinkowicz. Iconographe d’origine ukrainienne"

12 Avril au 28 Mai 2022

Espace Vivès, Prades, rue du Palais de Justice

Horaires : Mardi au Samedi de 9h30 à 12h et de 14h30 à 18h / Entrée libre.



©Léonie DESHAYES - Chargée de mission Patrimoine culturel - Médiathèque intercommunale de Prades - Avril 2022

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