Une culture en évolution
Résumer l’identité culturelle d’un territoire à des notions qui en limitent ou diversifient l’approche est aujourd’hui un véritable enjeu. L’élaboration progressive d’une identité repose bien sur une composition régionale où se mêlent les héritages faits de passage, d’accueil, d’échanges et d’intégration : le résultat d’un processus d’assimilation, renouvelée au XXe siècle, qui enrichit la vie culturelle et artistique.
À titre d’exemple, l’art roman, dont on a considéré de manière simplifiée qu’il était l’un des seuls facteurs déterminant de l’identité du Conflent, l’unique représentant d’une culture matérielle d’un grand Moyen Age catalan dont les abbayes de Saint-Martin du Canigou et de Saint-Michel de Cuxa étaient les meilleurs symboles.
Des artistes comme Pau Casals ou Martin Vivès ont contribué à renouveler la richesse culturelle de ce territoire, dans le prolongement du foisonnement artistique du début du XXe siècle autour de Firmin Vicens, amateur d’ art éclairé, son filleul Firmin Bauby - fondateur de Saint-Vicens dans le quartier Saint-Gaudérique à Perpignan -, et de Gustave Violet qui entretient des relations avec la scène artistique catalane. Son atelier de Sant-Martí (Prades) est, entre 1903 et 1914, un lieu de rencontre et d’ échange, de création et d’ émulation entre des artistes de premier plan : Émile Gaudissard, George-Daniel de Montfreid, Aristide Maillol, Étienne Terrus, Célestin Manalt, Louis Bausil, André Fons-Godail et l’ écrivain Joseph-Sébastien Pons.
Dès 1969, l’Universitat Catalana d’ Estiu est un espace de liberté intellectuelle pour les républicains espagnols soumis à la dictature franquiste. Malgré une période difficile à la fin du régime de Franco, celle-ci prend un nouvel envol, réunissant intellectuels et étudiants autour de la langue et la culture catalanes.
Cette tradition culturelle et artistique est aujourd’hui maintenue, en plus de l’Universitat Catalana d’Estiu, grâce au festival Pablo Casals, aux Journées romanes de Saint-Michel-de-Cuxa et aux Rencontres cinématographiques de Prades.
Pau Casals
Né en 1876 à El Vendrell en Catalogne, il est initié par son père au violoncelle et montre dès son plus jeune âge une grande sensibilité à la musique, qu’il étudiera à Barcelone et à Madrid. À 23 ans, il commence sa carrière musicale comme interprète, professeur, compositeur et chef d’ orchestre. En 1939, il fuit l’Espagne franquiste et se réfugie à Prades. Au nom de la paix et de la liberté, il refuse de jouer pendant 10 ans, jusqu’en 1950 et la commémoration du bicentenaire de la mort de Bach : le premier festival de musique « Pablo Casals » est né ; il rassemble les plus grands interprètes de musique de chambre. Le maître est aussi à l’origine des Rencontres cinématographiques internationales de Prades en 1959. Son implication dans la vie artistique a contribué à la renommée internationale du Conflent auquel il reste attaché après son départ en 1956 pour Porto-Rico, où il s’éteint en 1973.
Pompeu Fabra
Autre figure emblématique de la Renaixença, Pompeu Fabra est né en 1868 en Catalogne. Ingénieur de formation, ce grammairien se spécialise dans l’étude de la linguistique catalane. En 1906, il participe au premier Congrès International de la Langue Catalane. Eric Prat de la Riba i Sarrà, fondateur de l’Institut d’ Estudis Catalans (1907), le charge du projet de normalisation du catalan. Par la suite, il occupe à Barcelone une chaire d’ études Universitaires Catalanes et publie, en 1932 le « Dictionnaire général de la langue catalane ». Fuyant la guerre civile espagnole, il traverse la frontière en janvier 1939. Après des séjours à Paris, Montpellier et Perpignan, il s’installe à Prades où il meurt en 1948.
Martin Vivès
Né à Prades en 1905, figure majeure de l’art roussillonnais du XXe siècle, il est connu pour ses engagements et sa lutte contre les totalitarismes. Descendant de réfugiés carlistes, il s’intéresse au sort des réfugiés espagnols et catalans. Il rencontre des artistes internés au camp des Haras à Perpignan. Il parvient à en faire libérer, tel Antoni Clavé. Dès 1936, Martin Vivès se mobilise contre le fascisme et l'Occupation : aux côtés des réfugiés républicains internés, il est un relais des organisations internationales militantes. Après avoir comploté un attentat contre le Bureau des renseignements militaires de Perpignan, il rejoint la clandestinité en janvier 1944. À la Libération, le maire de la ville, Félix Mercader, le nomme Conservateur du Musée des Beaux-arts, fonction qu’il occupera jusqu’en 1968.