Le déterminisme du territoire
Les ressources naturelles abondantes et diversifiés ont contribué à l'essor économique du territoire. Les vestiges de leur exploitation dessinent, sur plusieurs siècles, un paysage patrimonial exceptionnel.
L'eau, maitrisée par un système de canaux dès le Moyen-Age, a entrainé le développement de l'irrigation (Prades), de la métallurgie (Sahorre, Ria), des activités du cuir et du drap. Les sources d'eaux chaudes, aux vertus prophylactiques reconnues depuis l'Antiquité, permirent l'essor du thermalisme au XIXe siècle. La maitrise de l'eau s'est matérialisée, plus tard, par la construction d'un barrage (et d'une centrale hydroelectrique), ainsi que deux réservoirs d'eau à Fontpédrouse et Vinça.
L'activité minière - le fer, et dans une moindre mesure l'or, l'argent, le grant, le quartz ou la fluorite - a également contribué au developpement du territoire jusqu'au XXe siècle. Les forges, à l'état de ruines, forment un paysage industriel remarquable. Des gisements de fer sont exploités dès la Protohistoire ; la création de la Via Confluentana au IIe siècle, reliant les sites de Ruscino et Llivia et passant par la vallée de la Têt, favorise l’intensification de l’activité et la commercialisation des produits.
À partir du Moyen-Âge, les forges catalanes se dispersent près des cours d’eau, leur activité engendre des aménagements hydrauliques et l’exploitation intensive des forêts. Avec l’abandon des sites d’extraction (Taurinya, Sahorre) et des places charbonnières (Valmanya, Baillestavy) au XXe siècle, la forêt réinvestit le paysage marqué par les anciens vestiges et friches industrielles.
Le territoire Conflent-Canigó est situé entre la haute montagne pyrénéenne et la plaine roussillonnaise, sur une ancienne zone « frontalière » dont la proximité engendre des conflits qui provoquent non seulement des discontinuités historiques, politiques et culturelles, mais génèrent aussi des phénomènes de résistance. Le plus fort débute en 1659 avec l’annexion du Roussillon à la France qui a pour conséquence la suppression du droit coutumier et de l’impôt sur le sel, ce qui ruine l’économie locale. Ce territoire transfrontalier accueillera des Espagnols au moment des guerres carlistes au début du XIXe siècle, les réfugiés de la guerre civile espagnole en 1939 et les résistants en 1942.
Zone de passage ou de refuge, où s’exerce aussi la transmission des savoirs, ce territoire garde son authenticité grâce à des caractéristiques naturelles auxquelles s’ajoutent une culture matérielle, industrielle et des mémoires. Le Conflent-Canigó conserve un important patrimoine qui en est le témoignage.