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Et si on parlait pierre sèche ?

Le Conflent est un vaste territoire riche de constructions en pierre sèche montées sans liant ni mortier, dont leur présence est liée au développement de l’élevage et de l'agriculture entre le 17e siècle et le 20e siècle. Celles du 19e siècle nous sont parvenus en très bon état de conservation, en raison de la durabilité des matériaux choisis (granit, gneiss et schiste).


L’art de la construction en pierre sèche est connu en Europe depuis des décennies. Son intérêt patrimonial a été fixé grâce à l’inscription en 2018 de son savoir-faire dans la liste représentative du Patrimoine culturel Immatériel de l’humanité à l’UNESCO. Cet art, consiste à emboîter minutieusement des pierres entre elles, le tout sans combler les joints par du mortier. Les matériaux employés sont issus des pierres stockées en bordure des pâturages et cultures. Généralement, les pierres de parement ont une longueur située dans l’épaisseur du mur, de manière à apporter un équilibre. Cette technique a été employée pour édifier les cabanes et orris, à voûte en encorbellement et plus rarement à pierres clavées. Une couche supérieure composée de terre sur laquelle se développe une pelouse, localement appelée « terrat », assure l’étanchéité de l’édifice et joue un rôle de biodiversité.


Comment reconnaitre ces types de constructions :


Employée comme simple abri ou habitat temporaire de par l’éloignement du lieu de vie, les cabanes sont majoritairement implantées en bordure de terrasses agricoles, aménagées pour la culture de la vigne. La plupart d’entre elles sont datées du XIXe siècle, au moment où la viticulture connaît son âge d’or. Elles sont de plan majoritairement demi-circulaire, avec une entrée orientée au Sud. Entièrement conçues en blocs de pierres locales, les cabanes ont une voûte encorbellée, terminée par une ou plusieurs grosses dalles de couvertures. L’intérieur comporte quelques éléments rudimentaires ; banquettes en pierres et niches aménagées au ras du sol pour entreposer des denrées alimentaires.

Contrairement aux autres constructions en pierre sèche, la cabane s’est développée à tous les niveaux d’altitude.

Entrée Sud d’une cabane en pierre sèche (578 m d’altitude), Lieu-dit Lous Cabaills, Molitg-les-Bains / Latitude : 42,64624 / Longitude : 2,3909 ©Léonie DESHAYES, 2020

Niche intégrée dans le soubassement d’une cabane en pierre sèche (578 m d’altitude), Lieu-dit Lous Cabaills, Molitg-les-Bains, Latitude : 42,64624 / Longitude : 2,3909 ©Léonie DESHAYES, 2020

Dalle en granit recouvrant la couverture d'une cabane, Chemin du Languedoc, Catllar, Latitude : 42,641273 / Longitude : 2,45294 ©Léonie DESHAYES, 2020


L’orri (nom masculin) est quant à lui une cabane de berger qui servait à l'origine de caves à lait et fromages, observée en moyenne montagne jusqu'à environ 1700 m d'altitude. À la différence des cabanes traditionnelles, il comprend un plafond de dalles soutenu par des pilastres engagés dans les murs latéraux. L’ensemble forme une longue nef divisée en travées, constituée de pierres en encorbellement. Cette forme atypique, a été définie par l’archéologue et historienne Anny de Pous (1908-1991), rapprochant la forme de la voûte de celle d'une carène renversée.

Vue d’ensemble de l’orri du Clot d’en Baladre, Taurinya, 823 m d’altitude ©Léonie DESHAYES, 2021

Nef intérieure de l’orri du Clot d’en Baladre, Taurinya, 823 m d’altitude ©Léonie DESHAYES, 2021




La construction en pierre sèche est-elle une spécificité locale ?


Selon le spécialiste en la matière, Christian Lassure, les cabanes en pierre sèche sont visibles dans une quarantaine de départements français, localisés dans les 2/3 Sud du pays.

Sur le massif du Luberon (région Provence-Alpes-Côte d'Azur), ces constructions sont appelées localement « bories » (borie : non féminin). Il s'agit de fermes ou de bergeries souvent habitées, qui peuvent aussi servir de remises à outils. La période de construction de ces édifices reste une énigme, car beaucoup d’entre eux ont été habités à différentes époques.

On les retrouve dans le hameau des Bories, situé non loin de celui de Gordes. L’implantation bâti de cette dernière localité est typique des villages perchés, habités dès les premiers temps par une population celto-ligure. Gordes s’étend en effet entre 111 et 635 m d’altitude ; mais cela ne vous rappelle-t-il pas certains villages du Conflent ? Minute de réflexion…


Le hameau des Bories, localisé à 270 m d’altitude, doit son nom à la vingtaine de bories conservées en ce lieu, qui ont dernièrement bénéficié de restaurations. Ces bories ont été édifiées à partir de matériaux trouvés sur place, essentiellement des feuilles de calcaire (lauzes). Ces pierres d’environ 10cm d’épaisseur, étaient assemblées entre elles par juxtaposition et positionnées de manière à créer un décalage entre elles. La partie sommitale est fermée par une ou plusieurs grandes dalles. Les voûtes intérieures forment généralement une coupole hémisphérique sur pendentifs, qui s’adaptent aussi bien sur les bories de plan carré ou circulaire.

L’unique porte d’entrée s’ouvre la plupart du temps sur une seule pièce, comprenant des éléments rudimentaires comme des cavités aménagées pour servir d’espace de rangement.

Cabane de type borri, hameau des Bories ©Léonie DESHAYES, 2021


Les plus grandes cabanes sont rectangulaires et possèdent une toiture à voûte en carène. L’intérieur dispose de banquettes, une cheminée et même un four à pain ! Les espaces annexes comme la remise agricole conservent pour certains du matériel tel que de grandes fourches.

Intérieur d'un borri avec four à pain, hameau des Bories ©Léonie DESHAYES, 2021

Intérieur de borri avec mangeoire en bois creusée dans un tronc d'olivier, hameau des Bories ©Léonie DESHAYES, 2021


Si la période de construction des cabanes n’est pas vraiment connue, on sait que les 17ème et 18ème siècles marquent un tournant dans l’agriculture et la recherche de nouvelles parcelles agricoles. Les cultures sont méditerranéennes et caractéristiques de la Provence ; amandiers, céréales, oliviers, etc. L’élevage en essor au cours de ces périodes, est une activité complémentaire non négligeable.


Vous voyez donc à travers ces différentes descriptions de cabanes selon les régions, une ressemblance frappante dans la technique de construction et les usages rattachés.


Le petit + : Autres dénominations de pierre sèche par comparaison entre le territoire catalan et provincial :

*Amas de pierres situés en bordure des champs : Tarters vs Clapasse

*Les terrasses : Feixes vs Restanques


©Léonie DESHAYES - Chargée de mission Patrimoine culturel - Médiathèque intercommunale de Prades - Mars 2022


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