A la découverte du patrimoine de Casteil
C’est parti pour la nouvelle découverte du jour, sur les traces de Guifred (? – 1049), fondateur de l’abbaye de Saint-Martin du Canigou en 1007.
Il existe plusieurs sentiers de randonnées pour accéder à ce joyau de l’art préroman, notamment le tour ou volta de Sant Martí de Canigó. La montée démarre depuis le parking du camping Domaine Saint Martin, au nord de la commune de Casteil. Prévoyez 4h15/30 de marche, sur 600 m de dénivelé. Autant vous dire qu’il faut pas mal grimper, mais toutes les beautés rencontrées valent bien quelques efforts !
Casteil se trouve dans un vaste territoire de 2983 hectares, comprenant la forêt domaniale du Conflent classée en site Natura 2000. C’est depuis ses contreforts que vous pouvez accéder au pic du Canigou, élevé à 2784 m d’altitude. Jusqu’au 18e siècle, le village de Casteil reste rattaché à celui de Vernet ; ils forment alors une unique communauté villageoise, dépendante du pouvoir religieux de Saint-Martin-du-Canigou.
Le bâti de Casteil se compose d’habitations édifiées en terrasse, dont le noyau principal est développé entre les rues du Canigou et Carsalade du Pont. Au Sud et à l’Est, le tissu est plus lâche, avec des édifices de type fermes agricoles. La maison n°9 rue du Canigou rappelle un modèle architectural rencontré sur les communes de Fillols et de Taurinya, qui est la ferme de village sur cour. Le rez-de-chaussée sert de remise agricole, tandis que les niveaux supérieurs regroupent les espaces domestiques (salle commune, chambres, combles). La façade principale est constituée d’une brane, soit une terrasse ouverte protégée par une couverture, renforcée par des piliers quadrangulaires ou cylindriques et édifiés en applique de façade. D’ailleurs, la toiture est exceptionnelle, de par ses caractéristiques constructives. Elle se compose d’un voligeage reposant sur des chevrons, eux-mêmes soutenus par des pannes. Tout cet ensemble est en bois brut. En dehors du corps d’habitation principal, la grange agricole est construite en adossement au Nord, autour d’une cour non close.
Mais ne nous égarons pas trop du sentier, car il regorge d’un patrimoine vernaculaire exceptionnel, telles que les cabanes en pierre sèche autrefois utilisées pour l’élevage. La technique de la voûte en encorbellement a majoritairement été employée ; elle consiste à positionner les pierres entre elles par décalage, de manière à assurer une stabilité à l’ensemble. La partie sommitale est fermée par de grosses pierres équarries. Des petites niches pour conserver de la nourriture ou abriter des lampes à huile sont aménagées en partie basse.
Tout au long du parcours, vous pourrez aussi découvrir de petits cours d’eau localement appelés correcs (ravins), dont beaucoup d’entre eux alimentent la rivière du Cady. C’est le cas du correc dels Esmorzarods, lui-même approvisionné en eau par la Font del Bac dels Monjos (traduction : des moines) à 1237 m d’altitude. Celle-ci n’est pas véritablement une fontaine, mais plutôt une source, qui capte l’eau souterraine résultant de la fonte des neiges et des milliards de petites gouttes accumulées depuis l’époque préhistorique. Vous pourrez admirer cette résurgence, en prenant bien soin de faire attention à la roche du sentier à traverser car elle est très abrupte. Les connexions entre les différents points d’eau sont fascinantes ! La source est reliée à notre fameuse cascade Dietrich, agréable point d’arrêt qui vous apportera fraicheur et détente en période estivale.
A partir de cette source, le sentier redescend tranquillement sur l’abbaye de Saint-Martin-du-Canigou, offrant ainsi de très beaux points de vue sur la vallée du Cady (Vernet-les-Bains, col de Jau et la tour de Goa édifiée entre les 13e et 14e siècles entre autres !). Passage obligé par le « spot » des randonneurs et instagrammer, la citerne d’eau de l’abbaye qui permet d’avoir une vue d’ensemble du monastère.
Mais pourquoi tant de fascination pour ce lieu ? Construite à même la roche existante telle une forteresse imprenable, l’abbaye fut fondée vers 1001 par Guifred II (consécration en 1009), comte de Cerdagne et frère d’Oliba, évêque et abbé de Ripoll. Ce dernier nom vous dit peut-être quelque chose ? Il est en effet connu pour avoir transformé l’abbaye de Saint-Michel-de-Cuxa au 11e siècle. C’est lui qui fit construire le clocher tour préroman, dont celui de Saint-Martin-du-Canigou possède les mêmes caractéristiques, avec ses arcatures, bandes lombardes et baies en plein cintre. Après une seconde campagne d’agrandissement, le comte Guifred se retire dans son monastère et y mourut en 1049.
Abîmée par un tremblement de terre en 1428, l’abbaye décline progressivement à la fin du siècle et tombe en ruine jusqu’au 18e siècle. On doit sa renaissance à Monseigneur Carsalade du Pont, évêque d’Elne et de Perpignan, qui entrepris en 1902 la restauration de l’édifice. Son successeur confia en 1988 la sûreté du lieu de prière à la Communauté des Béatitudes, qui assure des visites régulières à tous les curieux désireux de connaître l’histoire de l’abbaye.
Il existe deux autres édifices religieux sur le territoire de Casteil, qui méritent une attention toute particulière. La première église paroissiale de Casteil est celle de Saint-Martin-le-Vieux, citée vers l’an mil bien avant l’abbaye. Bâtie au 11e siècle, elle a été restaurée en 1978. La chapelle orientée Ouest-Est, est à nef unique et possède un chevet terminé par une abside semi-circulaire. Tout comme Saint-Martin-du-Canigou, elle conserve un clocher tour terminé par un couronnement crénelé (restauration).
C’est au cœur du village que se trouve l’actuelle église paroissiale, également dédiée à saint Martin. Il s'agit à l’origine d'un oratoire du 15e siècle, agrandit au 17e siècle avant de devenir église. Elle a la particularité de conserver depuis 1786 les tombeaux en marbre blanc de Guifred et de sa seconde épouse, sculptés en 1332.
©Léonie DESHAYES - Chargée de mission Patrimoine culturel - Médiathèque intercommunale de Prades - Mars 2022
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